PAROLES D’ANCIENS
par Michel Barjolin
Récits de Frédo PICARD
Avant-propos
Le recueil des mémoires de nos Grands Anciens que nous entreprenons au cours de cette série n’est pas sans écueils : déficience de la mémoire à long terme, enjolivement des événements rapportés, subjectivité liée à un sentiment d’injustice au regard de la non reconnaissance de certaines actions individuelles, amertume liée aux résultats politiques de leurs combats en contradiction avec leur sentiment du devoir accompli.
Avant d’entreprendre le recueil de la mémoire de nos « jeunes combattants » engagés dans les OPEX des dernières décennies, ce qui devrait conduire à terme à faire de ces jeunes de « nouveaux grands anciens », il nous paraît important de recueillir la mémoire des « sans-grade » qui ont combattu sans réserve, et souvent avec une grande abnégation, en Indochine ou/et en AFN. Ce n’est pas parce que les conséquences politiques de leur engagement militaire conduisent aujourd’hui les « historiens de la repentance » à oublier la ferveur patriotique de leurs combats, que nous devons passer sous silence ce que fut l’héroïsme de ces jeunes gens engagés au service de la France au sortir de la deuxième guerre mondiale. Ils sont un exemple du patriotisme de l’époque et ne doivent en aucun cas être assimilés à des mercenaires. Recueillir la mémoire de nos « grands anciens de la base » relève pour nous d’une démarche patriotique ordinaire.
Frédo Picard : Un Français de La Réunion au service de son pays, la France.
Frédo Picard est l’exemple même de ces créoles de la Réunion qui, très jeunes, décident de s’expatrier pour servir la France. Sa vie est un livre d’aventures qui mériteraient d’être relatées dans une BD. Doté d’un physique de « grand séducteur », ce « Clark Gable réunionnais » court l’aventure amoureuse au hasard de ses rencontres. Ce qui le caractérise pourtant, c’est son âme de combattant qui le porte toujours en avant, et sans calcul, dans les combats de première ligne. Ce combattant créole s’inscrit sans restriction dans ce que fut l’épopée du 5eme Bataillon Parachutiste d’Infanterie Coloniale. La devise du 5eme BPIC, « À LA VIE A LA MORT », illustre parfaitement l’engagement militaire de Frédo Picard.
De l’Indochine à l’Algérie, Frédo Picard s’illustre par des actions guerrières qui lui valent de nombreuses citations. À travers lui, nous rendons hommage aux combattants du 5e BPC dont l’histoire, insuffisamment racontée, est digne de la notoriété des 2e et 3e BPC mis en valeur par ses chefs prestigieux qui savaient si bien « faire et le faire savoir » (Bigeard).
Une enfance réunionnaise.
Antoine, Frédo Picard nait à Saint-Leu 17 août 1930. Il réside à la Chaloupe Saint-Leu durant son adolescence. À 14 ans il obtient son Certificat d’Etudes Primaires et entre au collège de Bois de Néfles Saint-Paul avec l’ambition d’obtenir le Brevet. À 16 ans son père le retire de l’école par manque de moyens financiers. Le 8 octobre 1948, à 18 ans, Frédo Picard s’engage à Saint-Denis (Réunion) pour une période de cinq ans au titre du 3e BMM stationné à Majunga (Madagascar). Au cours du même trimestre, il est détaché au Camp Tristani à Moramanga (garnison de Tamatave). Il y reste deux ans avant d’embarquer, le 2 novembre 1950, sur le S/S Compiègne à destination de Marseille.
Moramanga – Berceau de la rébellion malgache
Le 29 mars 1947 à minuit, 2000 insurgés malgaches pénètrent dans la ville de Moramanga. Ils encerclent le Camp Tristani de la gendarmerie et tuent de nombreux hommes de troupe. Les officiers français qui cherchent à riposter trouvent la mort à leur tour. C’est le début d’un soulèvement généralisé qui sera réprimé sévèrement par la France, faisant plus de 90 000 morts. Cette insurrection parait s’inscrire dans les mouvements insurrectionnels d’Indochine, à l’instar du Viêtminh, et préfigure les futures rebellions du Maghreb.
Une vocation de parachutiste.
À son arrivée à Marseille, Frédo Picard est affecté au 4e RIC, caserne Grignan, à Toulon. Volontaire pour la formation parachutiste, il est acheminé en septembre 1950 au BCCP de Vannes-Meucon pour y effectuer sa formation. Malgré le froid, il intègre avec enthousiasme l’école aéroportée sous la houlette du sergent Meriot qui sera son chef de groupe en Indochine. La formation parachutiste de l’époque est rustique et sans concessions. Frédo Picard est breveté le 3 novembre 1950. Son brevet para porte le numéro 52 574.
Vannes-Meucon – Saut à la tour – Sortie de carlingue – Roulé-boulé
Le 16 septembre 1950, Picard est affecté au bataillon de commandement du 5e BCCP (Bataillon Colonial de Commandos Parachutistes) qui vient d’être recréé à Quimper, après avoir été dissous quelques semaines auparavant en Indochine.
Frédo Picard reste en garnison à Quimper jusqu’au mois de juillet 1951.
Le 5e BCCP est dissous en juillet 1951, pour renaître sous l’appellation de 5e GCCP (Groupement Colonial de Commandos Parachutistes), avant son embarquement à Marseille sur le S/S Athos II, en partance pour l’Indochine. À son arrivée à Saigon, le 16 août 1951, le 5e GCCP devient le 5e BPC (Bataillon de Parachutistes Coloniaux).
Picard et Matthieu sur la Canebière avant le départ pour l’Indochine
Tribulations d’un Bataillon de Parachutistes Coloniaux
Dérivé du 5e Bataillon Parachutiste d’Infanterie Coloniale (5e BPIC) créé le 1er février 1947, le 5e BPC connaîtra diverses appellations jusqu’à sa dissolution le 31 décembre 1964 à Madagascar. Le 2e RPIMa remplacera le 5e BPIMa ancien 5e BPC.
1er février 1947 : création du 5e BPIC
25 juin 1948 : 5e BCCP
22 juillet 1950 : 1ere dissolution rapatriement Indochine.
15 octobre 1950 : 5e BCCP (Quimper)
10 juillet1951 : Devient 5e GCCP (Groupement Colonial de Commandos Parachutistes)
3 aout 1951 : Devient le 5e BPC (Bataillon Parachutiste Colonial)
1er aout 1953 : Dissolution
16 janvier 1958 : 5e BPC
1ER Décembre 1958 : Devient 5e BPIMa (Bataillon Parachutiste d’Infanterie de Marine)
31 Décembre 1964 : Dissolution, remplacé par 2e RPIMa (Madagascar)
Le 5e BPC en Indochine
Le S/S ATHOS II devant Saigon
Mon arrivée en Indochine –
« De Marseille à Saigon, la traversée s’est bien passée.
On s’est un peu ennuyé car il n’y avait que quelques tabors avec nous.
Nous sommes arrivés à Saigon 25 jours après notre départ et nous avons passé la première nuit d’Indochine à Saigon.
Le lendemain matin nous somme reparti avec un autre bateau pour Haiphong, puis dans la soirée nous avons débarqué à Hanoi.
Je faisais partie du 2e groupe de la 1ere section de la 9e compagnie du 5e BPC.
Mon lieutenant c’était le lieutenant Matro et mon chef de groupe le sergent Meriot.
Lui, il sera tué un peu plus tard.
Le patron du bataillon c’était le commandant Orsini et son adjoint le Capitaine Martre, lui je l’aimais bien.
Notre commandant de compagnie c’était, je crois, le capitaine Chaumet.
Mon boulot c’était voltigeur. La première nuit nous avons été logés dans une cimenterie.
Le lendemain nous avons pris le train pour Hanoi où on a été logés au terrain d’aviation de Bach-Mai.
Nous sommes restés là pendant un mois pour nous habituer au pays, puis nous avons fait quelques petites opérations aux alentours d’Hanoi avant d’attaquer le gros des opérations… ».
Récit de Frédo Picard
Cantonnement de Bach-Mai – Frédo 1er à gauche
Au mois d’octobre 1951, la 9e compagnie participe à des actions locales dans la région de Cô Lam (Opération Delta). Soutenu par des chars, les opérations sont menées contre des villages Viêtminh, villages souvent brûlés.
Attaque de chars contre un village à Cô Lam
Village incendié à Cô Lam
En novembre 1951, la 9e compagnie participe à des opérations menées dans le secteur de la Rivière Noire et dans la région du Mont Bavi. Elle participe aussi aux ouvertures de route sur la RC 6. Fin novembre, le 5e BPC participe à l’opération » Lotus » montée par les généraux Salan et De Linares. Cette opération a pour objectif essentiel l’occupation du secteur d’Hoa Binh.
Ouverture de route en bordure de la RC 6
L’embuscade
Après les opérations menées par les troupes françaises au Nord-Ouest d’Hanoi en octobre et novembre 1951, le général Giap décide d’investir la zone du Batraï début décembre. Sur la RC 6, les convois français se heurtent à une série d’attaques sur la route Yen-Cu – Ap-Da-Chong. Le 11 décembre 1951, la division 312 pénètre dans le Batraï au nord du mont Bavi pour mener un combat de harcèlement le long de la RC 6 et dans la zone de la Rivière Noire.
Le 11 décembre, le poste de Tu-Vu doit se replier. C’est ce jour-là que le 5e BPC rejoint Ap-Da-Chong malgré le harcèlement terrible des Viêts. Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1951, en déplacement sur la RC 6, la 9e compagnie du capitaine Martre tombe dans une embuscade. Si la destruction dure moins d’une heure, la compagnie perd pourtant l’essentiel de ses effectifs : 34 tués, dont les lieutenants des Essarts, Sudrot et Laval, ainsi que 66 blessés.
En ouverture de route, quelques jours avant, le lieutenant Laval (à gauche) et son 1er stick
«…Le 11 décembre un camion est tombé en panne sur la RC 6.
Nous sommes partis en début d’après-midi avec la compagnie pour le récupérer.
Au cours de la progression, nous avons subi quelques tirs.
Je sais que le capitaine a demandé un soutien de chars.
C‘était des chars américains. En début de nuit, un de nos camions est arrivé avec des jerricanes d’essence pour dépanner le camion en panne.
À ce moment-là, le char et les camions du convoi ont été attaqués par des Viêts.
Ils étaient dans les hauteurs.
Le camion de dépannage a brûlé.
Comme il faisait nuit, le capitaine a voulu repartir à sa base.
Nous étions dans un défilé.
Moi, j’étais en tête de la section et ma section était en tête de la compagnie.
À un moment les Viêts, qui étaient nombreux, nous ont allumés à partir des hauteurs.
Ça tirait de partout. Mon meilleur camarade Barbolosi, qui était tireur FM, a été blessé.
Il est tombé dans le fossé.
Il gueulait pour qu’on vienne le secourir mais ça flinguait trop, c’était impossible d’aller à son secours.
Alors j’ai lancé des grenades pour nous dégager.
En arrosant avec ma mat 49, j’ai foncé tout droit pour forcer le passage et j’ai poursuivi la progression pour qu’on sorte du défilé.
Finalement on s’est fait piéger, on a eu beaucoup de blessés et des tués, notamment le lieutenant Laval que j’aimais bien… ».
Récit de F. Picard
Le récit de Frédo Picard est une illustration de sa modestie. Sa citation montre, au contraire, sa bravoure lors de cette nuit sanglante
2e Rang : de gauche à droite, Cc Barbolosi, Picard, Cc Durand – 1er rang : Cal Guitard
Les 13 et 14 décembre un PC léger est installé à Yen- Cu. Le lieutenant-colonel Ducournau ordonne le bouclage sud de la route d’Ap-Da-Chong. Le 5e BPC participe à l’opération avec le 1er BEP et un peloton d’appui du premier escadron du RBCEO (Régiment Blindé Colonial d’Extrême-Orient). La 10e compagnie du 5e BPC s’installe en point d’appui sur la cote 60 qui surplombe la rivière noire. La 9e compagnie désarticulée par l’attaque du 12 décembre est mise en réserve. Les 7 et 8 janvier, le 5e BPC et le 1er BPVN participent à l’opération « Violette » lancée par le général De Linares. Il s’agit de dégager les pentes ouest du Mont Bavi. À partir de la deuxième quinzaine de janvier 1952, Hoa Binh est harcelée par le Viêtminh. Le 31, le 5e BPC relève le 1er BEP à Hong-Tong sur la RC 6. C’est le début de la bataille de la RC 6. Le 4 février, à proximité d’Hong-Tong, une section du 5e BPC accroche les Viêts et récupère un FM. Le 7, le bataillon est à Ao-Trach. Le 16 février, le lieutenant Hoye saute sur une mine.
F. Picard – Blockhaus à Hoa Binh
À la mi-février, le général Salan met sur pied l’opération « Arc-En-Ciel ». Il s’agit d’évacuer hommes et matériels du camp d’Hoa-Binh et du secteur de la Rivière Noire. L’opération est millimétrée, car elle prévoit de replier en quatre jours 20 000 hommes et la totalité du matériel, malgré la présence des divisions Viêts 304, 308 et 312. Le repli doit s’effectuer par bonds successifs en cinq phases : blanc, rouge, bleu, jaune, et vert. La phase bleue concerne le 5e BPC qui, à partir du 22, assure la sécurité de la RC 6 et sur le lieu de débarquement de la force à Ben-Ngoc.
Poste défensif sur la RC 6
Le 24 février, dans la nuit, le 5e BPC rejoint Ao-Trach où il passe la nuit, placé en réserve. Le 26, il relève le 2e BPC à Dong-Sy et le 29, le 2e bataillon Muong.
Au premier plan, le Ltn Matro à proximité du piton de la 1ere section
Opérations du 5e BPC de 1952 à 1953
Le 10 mars 1952, le 5e BPC fait mouvement sur Cam-Cao dans le cadre de l’opération « Amphibie ». Le 12, il accroche à Van Koup, sur le Song Lap et a 2 tués et 3 blessés. Le 16, il accroche à Phu-Ly où il récupère un mortier de 60, 2 FM et 64 armes individuelles. Ayant peu de pertes ce jour-là, il fait plus de 15 prisonniers. Le 25 mars, il rejoint Lac Dao pour participer à l’opération « Mercure ». Malgré de légers accrochages, le 5e BPC rejoint Hanoï, via Nam Dinh, le 9 avril. Pourtant, au cours de cette période, les OAP sont souvent annulées au dernier moment en raison des conditions météo défavorables.
Opération « Mercure », de gauche à droite X, X, X, Cc Durand, Frédo Picard, Cal Guitard
Alors que le 1er janvier 1952, le capitaine Werner a pris le commandement de la 9e compagnie, le 5e BPC participe à de nombreuses opérations ; le 9 avril à De Cau, le lieutenant Demarne est tué par mine. Le 18 avril, à Tho-Lao, le 5e BPC accroche et fait 32 tués, 47 prisonniers Viêtminh, et récupère trois FM, et 31 armes individuelles. . Il faut attendre le 28 juin 1952, dans le cadre de l’opération « Glaïeul-Boléro », pour que le 5e BPC effectue un saut opérationnel au sud-ouest de Dong-Trieu. Quatre parachutistes mal largués se noient dans le fleuve proche de la DZ. Le bataillon accroche violemment peu après et compte 4 tués et 19 blessés.
Frédo Picard : saut sur Dong Trieu. On peut noter la longe de largage de la gaine attachée sommairement à la botte.
Le 5 octobre 1952, le bataillon fait route sur Nam Dinh. Il embarque sur des L.C.T pour arriver de nuit à Dong Phu où il bivouaque. Le 16 octobre, il est mis à la disposition du secteur de Phat Diem où il relève le 2e BPC. Il demeure dans cette zone jusqu’au 27 novembre, accrochant plusieurs fois, notamment le 15 novembre (4 tués, 1 disparu, 11 blessés). Fin novembre, le 5e BPC rejoint Hanoi où il s’installe au Protectorat.
Frédo Picard à Phat Diem
Les 4 et 5 décembre, le bataillon est aérotransporté à Nasan (25 avions) où il est placé en réserve. Le 25 décembre, le 5e BPC, avec le groupement parachutiste, mène une opération vers Conoï et Chien Dong au nord d’Hoa Binh.
Embarquement d’un 75 SR à Bach Maï
Le Général Gilles à Nasan
Le 1er janvier 1953, le bataillon est sérieusement accroché au cours d’une corvée d’eau et de débroussaillage par de solides éléments Viêtminh retranchés dans les calcaires au sud et au nord de la route. Segmentés, manquant de coordination dans la riposte, les parachutistes du 5e BPC se défendent par îlots. Le commandant de bataillon, le capitaine Martre, rentrant de liaison, reprend le commandement et réarticule le bataillon pour opposer une réaction cohérente. Dans cette action, le bataillon a perdu 8 tués, 2 disparus et trois blessés. Le 26 janvier au cours d’une reconnaissance sur Ban Ngua, la compagnie de Picard est attaquée de nuit par un tir de mortier et d’armes automatiques. Six parachutistes, dont le lieutenant Joyeux, sont tués. On compte 20 blessés.
«… Je ne me souviens plus de toutes les opérations que j’ai mené avec ma section.
Je sais que je suis allé à Phat Diem et à Hoa Binh.
J’ai participé aussi à des opérations à Son-La, Laïchau, Laocai, et nous avons aussi crapahuté sur les hauteurs de Dien-Bien-Phu où nous avions une très bonne vue sur le terrain d’aviation.
À Laocai, c’était dur parce qu’il y avait beaucoup de montagne et à un moment, je me souviens, on a failli prendre une mauvaise piste qui conduisait directement en Chine.
Là, nous avons rencontré quelques éléments du Tabor.
Au cours de la reconnaissance, on est tombé sur un village où nous avons surpris des éléments du Viêtminh qui ne s’attendaient pas à nous voir.
Derrière une diguette, je suis tombé sur deux Viêts en pyjama noir.
Je les ai descendus sans me poser de questions et j’ai récupéré leurs armes. Il y avait, entre autres, un lance patate japonais.
C’est comme un mortier de 50 mais avec une tige à la base qui repose sur une petite plaque de fer.
Tu peux le régler en ajustant le percuteur à l’intérieur du tube pour faire varier la distance.
C’est un super truc ! Moi, pour cette opération, j’étais équipé avec un mas 36 à crosse métallique.
Mais j’ai été très déçu. C’est mon chef de groupe, le sergent Meriot, qui m’a demandé de lui donner les armes que j’avais récupérées.
Après il s’est attribué cette action et il a été décoré.
J’ai trouvé ça totalement injuste… ».
Récit de F. Picard
Le Cal Guitard et son FM 24 x 29
Le 20 février 1953, le bataillon fait mouvement en L.C.T sur le secteur de Bui Chu. Le 21 mars 1953, F.Picard est blessé par balle à l’épaule gauche au village de Xnang-Bang, secteur de Bui Chu. Au cours du mois suivant, le bataillon participe à de nombreuses actions, notamment à Lao-Nghiep le 17 avril où il fait 14 tués et 11 prisonniers chez les Viêts en ayant lui-même 3 tués et 7 blessés. Le 20 avril, il rentre à Hanoï.
Le sergent Meriot en poste défensif dans le secteur de Bui Chu
Le 1er mai, le 5e BPC est à nouveau aérotransporté à Nasan où il relève le 6e BPC sur les points d’appui 1 bis et 1 ter. Le 18 mai, le bataillon rentre à Hanoï.
F. Picard dans le secteur de Nasan
Le 25 mai, le bataillon quitte Hanoi pour s’installer sur la RC 1 vers Cho Tia, Dole et Binh Lang. Il y restera jusqu’au 7 juillet. Le 14 juin, il accroche à Lien-Nhan et Quan-Nhan. Le lieutenant Mayne est tué par mines et quatre parachutistes sont blessés. C’est au cours de l’attaque du village de Quan Nhan que le caporal Frédo Picard donne toute la mesure de sa hardiesse. Son engagement ce jour-là, lui vaudra l’attribution de la Médaille Militaire et de la croix de guerre TOE avec palmes.
« …En 1953, ma compagnie a mené une opération dans la région d’Hanoi, à Quan Nhan.
Nous avons encerclé un village où il y avait un gros élément Viêt.
Ils étaient équipés de mortiers. J’ai un copain qui a essayé d’ouvrir une palissade en bambou, mais elle était piégée.
Le piège à fonctionné, il a perdu un bras et une jambe. Quand la compagnie est montée à l’assaut, comme j’étais le voltigeur de pointe, je suis parti bille en tête et c’est à ce moment-là que les Viêts ont effectué des tirs de mortier.
Moi j’ai continué l’assaut, c’est normal, mais j’avais un peu mal à l’œil.
J’ai poursuivi l’assaut, mais je me suis rendu compte à un moment donné que je ne voyais plus trop bien.
En fait, on me l’a dit après, j’avais pris un éclat de mortier dans l’œil.
Après ça, comme j’avais perdu un œil, j’ai été rapatrié en France au Val-de-Grâce.
Ensuite on m’a donné un congé de convalescence de six mois… ».
Récit de F.Picard
Opérations dans la région d’Hanoi
En prenant connaissance de la citation attribuée au 5e BPC pour ses 21 mois d’opérations en Indochine, on se rend à l’évidence ; Frédo Picard appartient à l’histoire de ce bataillon. Il incarne sans conteste les parachutistes coloniaux qui ont donné ses lettres de noblesse à ce magnifique bataillon.
Fin de la période indochinoise
Le 5e BPC est créé le 16 aout 1951
Il est dissous le 1er aout 1953
Il a perdu au cours de son séjour : 8 officiers, 17 sous-officiers, 117 HdR, dont 69 autochtones.
Son bilan est éloquent : plus de 248 rebelles tués, plus de 284 prisonniers, plus de 140 armes récupérées (8 FM, 132 armes individuelles, 1 mortier de 60).
Cité à l’ordre de l’Armée, le 5e BPC se voit attribué la croix de guerre des T.O.E avec palmes.
« Magnifique bataillon qui n’a cessé de se distinguer au cours de 21 mois de combats quasi ininterrompus.
S’est particulièrement distingué à Van Dai le 7 octobre 1951, à Cô Lam le 6 décembre 1951, à Ap Da Chong le 12 décembre 1951, au cours de l’évacuation d’Hoa Binh du 31 janvier au 4 mars 1952, à Phat Diem le 5 octobre 1953, à Kien-Lao et Lao-Nghiep les 3 avril et 17 avril 1953. »
La mutation, l’osmose et l’Algérie
Après sa convalescence, F. Picard est affecté au 1er BCCP de Bayonne. Bénéficiaire d’une pension d’invalidité provisoire de 65 %, il persiste dans sa volonté de rester parachutiste.
«… Alors on se retrouve à Mont-de-Marsan, qui dépend de Bayonne, pour rattraper le retard que nous avions en sauts. Pendant trois semaines, à raison de 3 sauts par semaine, j’effectue mes 9 sauts de rattrapage.
Un après-midi, à Mont-de-Marsan, le capitaine Lefranc nous rassemble dans la cour et nous annonce que le bataillon va sauter à Suez. Je suis très heureux de pouvoir participer à cette opération. Pourtant, à un moment donné, le capitaine gueule : « Picard sortez des rangs ! ».
Il me dit alors que je ne participerai pas à l’opération.
Je lui dis que je ne comprends pas et que je veux participer à l’opération.
Le capitaine me répond que c’est un ordre du ministère et qu’il ne peut rien faire en raison de mon dossier médical. Il ajoute que je suis inapte TAP définitif. Je lui réponds en colère que je viens d’effectuer mes 9 sauts.
Là, je suis tellement dépité de ne plus être para que je veux résilier mon contrat. Le chef Colombani qui était avec moi en Indochine me dit d’être raisonnable et de faire au moins mes 15 ans de service pour toucher une retraite proportionnelle.
Quelques jours plus tard, il contacte l’adjudant-chef Battestini qui s’occupait du SMB au 110e RIC à Constance.
On me propose d’aller faire le peloton 2, le peloton de sergent, à Fréjus.
Au peloton, je suis des cours théoriques, mais ça ne m’intéresse pas alors que je reviens d’Indochine.
Moi, je préfère combattre que de rester en métropole.
Le 110e RIC devient le 21e RIC et je suis désigné pour entrer dans la composition du Bataillon de Marche du 21e en partance pour l’AFN, le 20 mars 1956. La compagnie est basée à Birtouta dans le département d’Alger… ».
Récit de F. Picard
La compagnie de Picard mène de nombreuses opérations dans la région de Bougie ; embuscades, fouilles de terrain etc. Peu de temps après, la compagnie mène une opération dans le secteur de Tizi Ouzou. À la fin de l’opération, en revenant sur Bougie, la compagnie entre de plein pied dans une opération de la légion.
«… On était sur une piste, après avoir quitté une zone rocheuse.
Il y avait un petit bois sur notre droite et en face de nous quelques mechtas.
Sur notre gauche il y avait un talweg où des légionnaires progressaient vers nous.
On a reçu l’ordre de donner l’assaut sur les mechtas.
C’est là que j’ai été blessé par balle à l’humérus droit.
Pendant cette opération on a fait pas mal de prisonniers et on a récupéré quelques armes.
J’ai gardé mon arme dans la main gauche mais je ne pouvais plus remuer le bras droit, alors on m’a envoyé à l’hôpital de Tizi Ouzou pendant un mois, et après à Alger.
Là, on m’a mis dans une salle où il n’y avait que des Arabes parce qu’on pensait que j’étais un arabe.
Toute la journée, j’entendais des cris et des chants arabes et c’était insupportable.
Finalement j’ai été rapatrié sanitaire sur Rennes. ».
Récit de F. Picard
Le caporal-chef F. Picard est muté au Pacifique le 22 décembre 1959. Le « vieux parachutiste » part en « croisière touristique » sur le S/S « Calédonien » à destination de Nouméa. Il sera admis à faire valoir ses droits à la retraite, le 7 octobre 1963, après avoir rallié son île natale.
Le Caporal-chef Antoine Frédo PICARD
3 blessures au feu – 3 citations